Benjamin Lowy

By on novembre 18, 2013

Benjamin Lowy est un photojournaliste américain qui a couvert la plupart des grands événements de l’actualité internationale que ce soit en Afghanistan, à Haïti, en Libye, au Darfour, aux Etats-Unis ou ailleurs. Il a été récompensé par de nombreux prix et ses reportages ont été publiés par les plus grands magazines.

En tant que photojournaliste, il est l’un des précurseurs de la prise de vue avec un iPhone. L’année dernière, lorsque la côte Est des Etats-Unis a été frappée par l’ouragan Sandy, l’une de ses photos prises avec Hipstamatic a même fait la couverture de Time Magazine, une première dans l’histoire du photojournalisme.

Hisptamatic vient de sortir un nouveau pak, le Photojournalism SnapPak, réalisé en collaboration avec Ben Lowy qui répond ici à quelques questions.

Par Stéphane Arnaud, Adjoint au Rédacteur en Chef Photo de l’Agence France-Presse (AFP)

 

Comment avez-vous découvert Hipstamatic, l'application? Et vous souvenez-vous de vos premières impressions?

C'est un ami proche qui me l'a recommandé quand un client m'a demandé de réaliser une commande avec un certain type de film. Je n'avais pas utilisé ce dernier depuis l'université et j'étais un peu préoccupé par cet aspect technique. Il m'a recommandé cette "nouvelle" app dont personne ne se servait encore et m'a dit que je pourrais ainsi obtenir un traitement se rapprochant du film en question, ce qui m’a rassuré.

Comment êtes-vous rentré en contact avec Lucas Buick (Founder & CEO de Hipstamatic) et Ryan Dorshorst (Founder & President de Hipstamatic)?

J'ai contacté Hipstamatic en 2011 à la suite de mon voyage en Libye, afin de prendre un premier contact et nous avons eu de très bons échanges par emails. J'ai rencontré Lucas en personne un an plus tard.

Qui a eu l'idée de ce Photojournalism SnapPak? Vous ou Hipstamatic?

A l'origine, j'ai approché Hipstamatic avec deux autres photographes qui utilisaient aussi l'application, avec l'idée de développer un objectif qui se rapprocherait plus des standards du photojournalisme - c'est à dire sans tous ces filtres colorés et ces vignettages excessifs.

Il y avait des rumeurs sur ce pak depuis plus d'un an… Pourquoi avoir tant attendu?

J'ai eu une première version du pak en juillet 2011. Donc oui, cela a pris du temps. Mais il y a eu une restructuration au niveau de l'entreprise, le lancement de Oggl était aussi dans les cartons et donc je pense qu'ils ont eu d'autres priorités. A l'origine, une partie des revenus devait être envoyé à une fondation pour le Photojournalisme mais le développement de cette entité à but non lucratif a finalement échoué. Nous avons cependant continué à bosser sur les effets. J'ai eu plusieurs versions de l'objectif et du film et nous avons essayé de les améliorer sans pour autant devoir, à chaque fois, refaire trop de programmation.

Pour faire suite à votre couverture de l’ouragan Sandy, vous avez très récemment photographié des familles qui n’ont toujours pas été relogées après l’ouragan. Ces portraits n’ont pas été réalisé avec l’iPhone. Quels sont les critères qui font que vous décidez de concevoir un reportage avec votre mobile ou avec vos boitiers reflex?

Pour moi, ce qui compte au final, c'est la photo en elle-même, pas l'outil que l'on utilise. Tout dépend du contexte également. Quand j'ai commencé à utiliser l'iPhone, c'était dans un but créatif. Quand je l'ai utilisé en Afghanistan, c'était parce que je me baladais seul dans les rues et que je voulais passer inaperçu. En Libye, c'était dans le but d'utiliser un outil [les smartphone et les réseaux sociaux] qui a eu lui-même un rôle prépondérant dans le Printemps arabe.
Avec l'ouragan Sandy, c'était pour des raisons pratiques de communication et de transmission. Pour ce projet récent sur les familles déplacées, il fallait juste réaliser des portraits, avec douceur et respect. Dans ce cas, je n'avais pas besoin de l'iPhone.

Y-a-t-il, selon vous, des reportages, des situations ou des histoires qui ne peuvent pas être photographiés avec un mobile?

Encore une fois, je pense que l’appareil photo d'un téléphone portable doit être considéré comme un outil parmi d’autre. Mais parfois, un gros boîtier reflex vous identifie comme photographe professionnel, par opposition à un simple passant ou amateur. Et lorsque vous photographiez et que vous êtes entourés de policiers anti-émeute par exemple, vous préférez peut-être être considéré comme un journaliste.

Sur votre blog vous dites notamment: "Pendant des années, j'ai travaillé avec des appareils numériques volumineux, toujours soucieux des manœuvres techniques comme régler la vitesse d'obturation ou l'ouverture, mais aussi soucieux par rapport à l'édition sur un écran d'ordinateur. J'ai découvert que mon iPhone me permettait de capturer des scènes sans ce sentiment d'être en train de faire un travail, un job. […] Cela a été une expérience libératrice."
Pensez-vous qu'il soit légitime de dire que - dans le contexte historique du photojournalisme - l'arrivée des smart phones est comparable à l'arrivée du Leica dans les années trente (petit, léger, simple et convivial par rapport aux appareils grand format encombrants de la journée)?

C'est légitime de le dire – bien que la qualité du produit final ne soit pas comparable à celle d'un Leica. Du moins pas encore. A l’évidence, la photo avec un mobile est en train de changer le monde de la photographie – Il y a eu plus de photos prises l'an dernier que pendant toutes les années cumulées de l’histoire de la photographie.

Dans le mot "Photojournalisme", il y a certes "journalisme", mais il y a aussi "Photo". Ne pensez-vous pas que ces derniers temps, à cause de tous ces débats autour de la postproduction, des filtres, d’Hipstamatic, etc… la Photo est un peu oubliée, un peu écrasée sous le poids du journalisme et de son principe d’objectivité?

Oui. En fait, beaucoup trop. Nous sommes censés être des journalistes, c'est vrai - mais nous sommes aussi censés élaborer une esthétique qui doit capter l'oeil du public, qui doit le toucher visuellement et lui permettre de s'ouvrir et d’assimiler le contenu d'une image. Nous avons également - en tant que photojournalistes - un contrat moral avec le public pour lui montrer une vision réaliste du monde. Donc je ne pense pas non plus que nous puissions aller trop loin avec l'esthétique.

Hipstamatic n’est-il pas tout simplement, au même titre que n’importe quelle autre avancée technologique qu’a connu la Photographie au cours de son histoire, une nouvelle façon de photographier qui ouvre de nouvelles perspectives au photojournalisme? Pourquoi alors, selon vous, autant de réticences dans le milieu?

Dans chaque domaine, il y a ceux qui sont réticents aux nouvelles technologies et aux idées novatrices et puis il y a ceux qui se jettent dedans. Je crois que - d'une façon générale – la majorité des gens qui détestait la photo mobile au départ a évolué et s'est adaptée à ce nouvel outil qui s’avère utile.

Selon votre expérience, et ayant été un précurseur en la matière, y-a-t-il maintenant une réelle demande de la part des journaux, des magazines et des grands sites internet pour des reportages réalisés avec un mobile, ou bien sont-ils encore réticents à l’idée de les publier?

Je pense que les médias traditionnels sont sans arrêt à la recherche de contenus gratuits. Peu importe le format. Demander du contenu à son lectorat, des photos d'une tempête hivernale par exemple, est très attrayant et séduisant à la fois pour les lecteurs, tous équipés de téléphones portables, et pour les journaux qui doivent fonctionner avec des budgets à la baisse.
La plupart des publications étaient réticentes à publier mon travail en 2009 ou 2010 mais en 2011, le vent a commencé à tourner et la photographie mobile a commencé à susciter de l’intérêt. Maintenant c’est peut-être même devenu un peu trop "gadget".

Comment selon vous, les agences de presse photo traditionnelles devraient-elles aborder la "photographie mobile"? Certaines ont commencé à diffuser des reportages réalisés avec Hipstamatic, mais de manière très-très ponctuelle. Devraient-elles, selon vous, être plus ouvertes à ce sujet?

L'idée devrait toujours être de publier la meilleure image, celle qui soit la plus à même de raconter une histoire ou une situation. Le fait même d’utiliser un appareil mobile a sans doute aidé à l'élaboration de reportages, mais ça, c'était en 2011 ou 2012. Je pense que le concept a évolué. Maintenant c'est juste un autre outil à notre disposition.

Pour la Libye, vous avez essentiellement utilisé le film Ina's 1969 et l'objectif John S. Pourquoi ce choix?

C'est la combinaison avec laquelle j'ai commencé et avec laquelle j'étais à l'aise. J'appréciais son vignettage. Pour mon troisième voyage en Libye, j'ai commencé à utiliser mon objectif et le film Ina's 1982.

Et aujourd'hui, mis-à-part l'objectif Lowy, avez-vous de nouveaux favoris?

Je pense que vous devez explorer mes feeds et les trouver par vous-mêmes. ;-)

     

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