Inside The Haus: Ryan Dorshorst, President and co-founder, Hipstamatic
Quel est votre parcours professionnel et comment vous est venue l'idée de commencer Hipstamatic avec Lucas?
Je suis allé à l'université du Wisconsin et c'est là que nous nous sommes rencontrés. Avant l'université, quand j’étais au lycée, je travaillais déjà pour différents clients dans ma petite ville de Wisconsin. C'est à cette époque que j'ai commencé à me former sur le tas, notamment sur ce qui concernait le coté technique tel que le web design et le développement web. Ensuite à l'université, j'ai eu des clients pour lesquelles je construisais essentiellement des sites Web et d'autres choses de cette nature. Après l'université, j'ai déménagé à Minneapolis avec mon épouse. Lucas est parti à Chicago où il a bossé dans l'industrie de l'édition.
Je suis parti à Minneapolis pour trouver un travail dans le design puisque c’est ce que nous avions tous deux étudié à l'université. Il y avait beaucoup de petits studios de design avec seulement quelques personnes, c'est le genre d'environnement que j'aimais. J'y allais avec l'intention de trouver un emploi. J'ai eu un tas d'interviews, mais rien de vraiment excitant. J'ai toujours vraiment aimé le fait de travailler de manière indépendante, d’avoir la liberté de gérer moi-même mon agenda. J'ai donc contacté Lucas, je lui ai envoyé un e-mail du style "Hey! Et si nous ouvrions un studio de design ensemble"; c'était sur le ton de la plaisanterie mais j'étais quand même à moitié sérieux. Il m’a répondu tout de suite "oui, ok, allons-y!". J'ai été surpris parce que je n'y croyais pas trop. Donc, nous avons ouvert ce studio, et pendant trois ans, nous avons travaillé ensemble; il est resté à Chicago, je suis resté à Minneapolis, nous avons eu plusieurs clients. Nous faisions surtout du travail de branding, beaucoup de web et du développement d'applications; j’ai surtout utilisé ce que j’avais appris au niveau technique sur le tas puisque je n’avais pas de vraie formation académique. J'essayais de trouver comment avancer plus rapidement pour le développement web.
L'économie était rude ce moment là, nous avions des difficultés à trouver des clients. Nous avons commencé alors à travailler avec un grand nombre de jeunes entreprises, en les aidant à développer leurs produits à partir de zéro. Nous étions consultants pour eux, afin qu’ils puissent développer leurs produits, les rendre attractifs et rentables. Nous avons fait cela à plusieurs reprises. Ce n'était pas très rentable car les jeunes entreprises n'ont pas beaucoup de moyens, mais nous avons beaucoup appris sur le démarrage, le développement d'un produit et le lancement d'une entreprise. Nous nous sommes dit que nous faisions beaucoup de travail pour nos clients… Ne pouvions-nous pas le faire pour nous-mêmes? N’était-il pas temps de s’asseoir et de réfléchir au type de produit que nous voulions faire? On s’est donc assis et on a réfléchi.
A cette époque, la plate-forme iOS avait un an, nous pensions que nous étions déjà en retard pour rentrer dans le jeu. Lorsque nous avons décidé de construire une application iOS, il s'est avéré que nous étions encore dans les temps et que c’était une période propice pour développer notre produit. Nous avons fait un brainstorming, des tas d'idées nous ont traversées l’esprit mais Hipstamatic est devenu celle qui nous plaisait le plus. Nous avons donc développé ce concept. Cela s’est fait assez vite en fait. Nous avons décidé que nous devions probablement déménager dans la même ville, parce qu’il fallait construire une entreprise autour de ce produit. Nous avons aimé le fait de travailler pour des clients en raison de la liberté que ce job nous donnait. Mais la construction de son propre produit vous donne encore plus de liberté: vous prenez toutes les décisions, vous travaillez directement vos idées et vous construisez quelque chose que des millions de personnes utilisent. A l’opposé, quand vous développez un produit pour un client, vous ne savez jamais combien de personnes l’utilisent. Bref, c’était une période fascinante. Nous avons décidé déménager dans une ville et nous avons choisi San Francisco juste parce que nous aimons cette ville plus que tout.
Lors du lancement de Hipstamatic, vous n’habitiez pas dans la même ville que Lucas?
J’habitai encore à St Paul, Minnesota, alors que Lucas était encore à Chicago. Neuf mois plus tard, on s’est installé ici. Hipstamatic a été lancé en décembre 2009, je pense que Lucas a déménagé en juin 2010, et je m’y suis installé en août. On avait un petit studio à Chicago avec quelques employés qui ont fini par nous rejoindre ici aussi.
Vous souvenez-vous du moment exact où vous avez compris que Hipstamatic était un vrai succès?
Tous les matins, on se réveillait et on recevait un email avec le nombre de gens qui avait téléchargé l’application la veille. Les premiers jours, c’était plutôt enivrant, il y avait de plus en plus de personnes qui l’achetaient mais ensuite, on a connu une croissance exponentielle. Le lancement a eu lieu en décembre, le Nouvel An était proche; nous nous sommes dits que l’aventure commençait très bien et là, surprise: Apple nous a mis en vedette (NDLR: Hisptamatic est devenue l’App de l’année).
Je pense qu’on a eu 150.000 téléchargements entre le lancement et le Nouvel An, cela s’est fait tellement vite: les premiers jours, c’était une centaine de téléchargements. Puis quelques milliers et soudainement, cela a vraiment explosé. C’était ennivrant et fou de se réveiller tous les matins et de se dire "wow, cela continue à grandir et on a de plus en plus d’utilisateurs". On a continué à effectuer des updates du logiciel et on a ajouté de nouvelles fonctionnalités. C’était très excitant.
Pourquoi avoir commencé à développer Oggl au lieu d’incorporer ses fonctionnalités dans Hipstamatic?
Je pense que ces deux apps sont très différentes l’une de l’autre. Ce que l’on a fait en créant Oggl, c’est de rassembler toutes les choses que nous voulions améliorer et changer dans Hisptamatic. Nous avions une longue liste d’idées nouvelles mais nous nous sommes rendus compte que si nous les ajoutions à Hipstamatic, l’application perdrait son charme de "plastic camera". Sur cette liste, nous avions entre autre le "live preview", les présélections sur l’écran, la possibilité de changer l’objectif et la pellicule après la prise d’une photo. Il nous semblait que l’addition de ses éléments à Hipstamatic Classic, aurait compromis sa personnalité.
Nous étions limités par notre propre création et nous ne voulions pas la changer radicalement. Beaucoup d’utilisateurs aiment vraiment Hipstamatic Classic tel quel, avec ses propres caractéristiques et nous avons donc décidé de développer une nouvelle application qui pourrait rassembler ces nouvelles fonctionnalités sans toucher à la version Classic. Voilà comment est né Oggl.
L’introduction d’un réseau social, la possibilité de modifier les photos après les avoir prises étaient les principales idées que nous avions au départ mais nous ne savions pas comment les ajouter à Hipstamatic Classic sans modifier son concept de base. Au final, je pense que les 2 applications sont différentes, notamment dans l’expérience que chacune propose. Il nous a donc semblé logique d’avoir deux produits différents.
Vous êtes donc en charge du développement de tous les apps de la famille Hipstamatic…
Pour le moment, je développe toutes les composantes pour iOS mais nous employons aussi quelqu’un pour nous aider en ce qui concerne les serveurs, c'est-à-dire les composants du réseau social de Oggl en fait. Il habite dans le Missouri.
Comment arrivez-vous à équilibrer les aspects technique et créatif de votre travail?
J’ai toujours été intéressé par ces deux aspects. Parfois, je m’immerge vraiment dans les trucs techniques et il est difficile d’en sortir, d'oublier cet aspect de l'équation pour penser aussi de façon créative… Il n'est pas évident de se demander quelle serait la manière la plus sympa de faire ceci ou cela, sans se préoccuper des limites de la technologie. Il est souvent difficile de faire taire cette petite voix. Je pense que les deux aspects sont tous les deux très intéressants, chacun à sa manière. C’est génial de pouvoir avoir une idée, puis d’être capable de la développer du début à la fin et de l’amener à devenir réalité. J’adore cela.
Est-ce que Oggl se développe aussi rapidement qu’Hipstamatic à ses débuts?
Oggl se développe moins vite qu’Hipstamatic. On s'oblige intentionnellement à développer Oggl plus doucement parce que nous voulons que le produit soit performant avant de le promouvoir encore plus. Nous sommes contents du résultat actuel et il y a encore plein de choses que nous allons ajouter avant de viser un plus grand public.
Est-ce que la croissance lente d’Oggl est liée à son modèle économique assez innovant?
Depuis le début, nous avons été assez innovant, même par rapport à notre modèle d’entreprise. Par exemple, avec Hipstamatic, le fait d'avoir une app et de pouvoir acheter d'autres composants (les achats intégrés) n'était pas une pratique courante à l'époque. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Je pense aussi que les choses évoluent: il y a beaucoup d’apps gratuites aujourd'hui avec un concept d’abonnement pour un service que l'on apprécie vraiment. Un service que l'on a envie de soutenir, et pour lequel on n’a pas besoin de se faire de soucis, de savoir si dans un an quelqu’un d’autre en aura le contrôle, si des publicités apparaîtront en pop-ups, et plein d’autres trucs que personne ne veut voir dans un produit que l'on aime.
Le marché visé par Oggl est-il différent de celui d’Hipstamatic?
Hipstamatic, c’est une expérience pour le fan de photos; on simule l’utilisation d’un vieil appareil pour prendre des photos de manière alternative. Oggl, c’est une version plus moderne; on prend de belles photos et on n’est plus dans le registre de l’expérience "Toy camera".
Je pense qu’Oggl a le potentiel pour devenir bien plus qu’un simple produit pour le grand public, il peut séduire beaucoup de gens. Alors qu’avec Hipstamatic Classic, on vit plutôt une expérience un peu nostalgique: on se souvient comment on prenait des photos avec les vieux appareils, on se souvient comment on développait les films, et c’est pour cela qu’on adore l’utiliser sur iPhone.
Beaucoup pensent qu'Oggl est de la triche...
Je pense que c'est exactement la raison pour laquelle nous ne l'avons pas intégré dans Hipstamatic Classic, pour que les gens qui apprécient le fait de shooter et de voir le résultat par après puissent continuer à le faire. Par contre, certains peuvent avoir peur d’employer un de nos produits s’ils photographient, par exemple, avec la fonction "shake to randomize" (Secouer pour un combo aléatoire); parfois la photo obtenue est horrible et ils n’ont que cela comme souvenir d’un moment précis qu’ils voulaient immortaliser. Ils n'ont pas ce problème avec Oggl. Là, ils peuvent changer la combinaison objectif/film après la prise de vue. Ce sont deux produits différents adaptés à deux manières différentes de prendre des photos.
Y aura t-il la possibilité de laisser des commentaires dans Oggl?
Nous sommes définitivement en train de travailler sur la possibilité d’avoir une conversation avec quelqu'un au sujet d’une photo mais ce n'est pas exactement le même concept que celui des commentaires. Laisser des commentaires ne fait pas partie du concept initial d'Oggl parce que nous voulons que les gens se concentrent plus sur l'image et non sur une discussion au sujet de cette image. Je pense que nous avons fait du bon boulot de ce côté-là, voyant ce que le produit est aujourd'hui. Mais nous voulons maintenant ajouter cette fonctionnalité car parfois, quand je vois une photo sur Oggl, j’aimerais avoir une conversation avec son auteur. Soit parce que le sujet m'est familier, que c'est tout simplement une photo superbe ou je suis passé par le moment endroit. Peu importe la raison, être capable de communiquer avec quelqu’un est dans le collimateur de Oggl.
Y aura t-il une fonction permettant d'effacer plusieurs images à la fois?
C'est définitivement sur notre liste!
Est-ce que vous pensez développer de nouveau flashs pour Hipstamatic Classic?
C'est une possibilité, nous en parlons - c'est effectivement très probable. Quand nous avons conçu Hipstamatic, nous avons rajouté le flash comme troisième élément assez cool quand on compose sa propre image. Nous-mêmes l'avons utilisé beaucoup au début, mais nous avons remarqué que nous utilisions le flash de moins en moins. Pour nous, l'objectif et le film sont suffisants pour avoir une excellente photo. Les flashs sont là pour les personnes qui veulent vraiment les utiliser mais il semble que la plupart des gens ne les utilisent pas. C'est possible de faire des choses incroyables, sans aucun doute, si on prend le temps pour comprendre les différentes variantes et de les tester.
Etes-vous prêt pour iOS7?
Nous avons déjà fait quelques updates pour Hipstamatic Classic car certaines personnes qui utilisent déjà iOS7 ont signalé des problèmes. Mais nous ne pouvons pas être opérationnel sous iOS7 avant sa sortie officielle; nous continuons cependant à fixer les différents bugs.
Allez-vous résoudre le bug dans Oggl qui met un point d'exclamation quand une image n’est pas sauvée dans la librairie photo?
C'est clairement un bug, mais pas toujours. Quand on prend une photo, elle est traitée d’abord en basse résolution afin que l’on puisse la voir directement; pendant ce temps-là, la photo est traitée par Oggl pour obtenir une image en haute résolution qui sera sauvegardé dans la librairie. Si vous êtes forcés de quitter l'app ou si Oggl venait à crasher, la version "haute def" n’est pas terminée. Un point d'exclamation apparaît alors au dessus de la photo et il suffit de taper dessus pour reprendre le processus et sauver ainsi la photo.
Parfois un point d'exclamation apparaît alors qu'il n'est pas censé apparaître et là, c’est bien un bug. Mais la plupart du temps, il indique que la photo n’est pas présente dans votre librairie. Si elle y est, il ne devrait pas apparaître. Nous sommes en train d’étudier ce point en particulier.
Quel est votre objectif favori? Même question pour le film, le flash et le combo…
L'objectif dont je suis le plus fier est Tinto. Le processus pour son développement a été vraiment cool. Je me suis assis avec Aravind et on a commencé à parler des tintypes qu’un petit studio du quartier "Mission" produisait. Nous avons rencontré les gars en question, des gens très cool qui réalisent de vrais tintypes. La question que nous leur avons posée est "y a-t-il un moyen de traduire ce processus dans un objectif?" Nous avons commencé alors à étudier les caractéristiques techniques d'un tintype. Les yeux ont une lueur presque fantomatique et une très faible profondeur de champ. Le nez est hors focus et donc un peu flou. Le focus sur les yeux est net par contre.
Nous avons donc commencé à nous demander "Sommes-nous capable de faire cela?" Et je me suis dit: "vous savez, il y a la technologie de reconnaissance faciale sur l'iPhone que l'on pourrait employer." Nous avons donc développé cet objectif autour de cette technologie que nous avions à notre disposition: la détection des yeux, la position des différents éléments du visage,… Grâce à ces infos, nous avons pu créer une profondeur de champ artificielle, détecter la position des yeux et les faire briller. Nous avons dû peaufiner le tout, par exemple, dans le cas où le visage est trop petit, ou trop grand, ou indiquer quel type de flou réaliser s'il n'y a aucun visage. Nous l'avons donc développé et il s'est avéré vraiment génial! Je suis vraiment très fier de cet objectif.
J'aime aussi nos derniers films comme Sussex ou Robusta. Même chose du côté des objectifs avec Madalena ou Doris. Nous avons vu des images que nous aimions et même chose, nous avons voulu reproduire le style de ces photos. Ce sont des coups de coeur et nous avons plaisir à les utiliser quand les paks sortent.
Le BlacKeys Extra Fine a été aussi un chouette processus car il est intéressant de voir en noir et blanc certaines images. Surtout que beaucoup d'objectifs produisent des images aux palettes de couleurs assez prononcées. Les voir en noir et blanc est très différent. Un chouette combo que j'ai récemment découvert est justement ce BlacKeys Extra Fine avec l'objectif Kaimal.
Hipstamatic ou Oggl?
Oggl le plus souvent, Hisptamatic Classic pour les expositions multiples.
Photos: Ryan Dorshorst - [button color="black" link="http://oggl.me/ryan/"]Oggl[/button]
Rencontre précédente: Lucas Buick
Prochaine rencorntre: Aravind Kaimal
© Eric Rozen - Hipstography
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