Inside The Haus: Mario Estrada (aka ‘Director of Fun’)
Mario Estrada, VP des 'Special Projects' & Rédacteur en chef de Snap Magazine (aka 'Director of Fun!')
Mario, tu es très actif au sein de Hipstamatic, pour Snap magazine et plusieurs projets spécifiques, mais tu occupes aussi le poste de "Directeur du Fun". Qu’est-ce cela veut dire exactement?
Au départ, j’ai rejoint l’équipe pour m’occuper de tout ce qui concernait le marketing social. J’animais la communauté et j'étais donc devenu notre voix sur les réseaux sociaux. On venait seulement de se lancer, et, à mesure que la palette de mes responsabilités s’est élargie, avec, entre autres, les projets spéciaux, on a décidé que ça serait plus logique de faire évoluer aussi l’intitulé de mon poste. Je travaillais pas mal en lien avec nombre de grandes entreprises et elles devaient pouvoir m’identifier clairement. On a pensé à "Vice-président du Fun", mais ça voulait dire qu’il y aurait eu quelqu’un de plus fun que moi, et tout le monde sait que ce n’est pas vrai! (Rires.) Alors on a opté pour "Directeur du Fun", en pensant qu’il s’agissait là d’une bonne façon de briser la glace avec nos interlocuteurs et d’entrer en contact avec eux. Ça englobe tout ce qui est davantage lié au marketing et qui ne fait pas partie du développement même de l’application. Voilà en gros la signification de "Directeur du Fun". Aujourd’hui, je suis Vice-président des "Special Projects" et rédacteur en chef de Snap, mais, en parallèle, je gère encore les attributions du Directeur du Fun, comme les événements en galerie, les événements musicaux, tout ce qui est, par nature, plutôt fun!
Organises-tu encore beaucoup d’événements dans des galeries?
Au tout début, on avait le sentiment que c’était une vitrine très importante pour présenter les travaux de notre communauté. Et on en organise encore quand c’est possible. Le problème avec les galeries d’art, c’était que personne ne prenait de photos. Donc on a voulu élargir l’expérience en organisant d’autres événements, qui incitent les gens à prendre des photos. Nous avons donc essayé de combiner la photo avec d'autres sujets, comme la musique par exemple; je pense notamment au festival SXSW mais aussi à des brunchs qui donnent aux gens l’occasion de former une communauté bien réelle, une commuté au sein de laquelle tout le monde prend des photos. Cela a été vraiment génial.
On organise des événements ici, dans la "Haus of Hipstamatic", où on fait venir des groupes. Il y a eu aussi quelques événements en galerie, mais j'avoue que cela a été plus rare ces derniers temps. On a prévu d’organiser au moins une fois par mois un événement plus interactif, que ce soit un "pop-up dinner" ou un concert. Le dernier événement auquel Hipstamatic a participé, c’était le lancement du Lumia à New York.
Penses-tu qu’il est important de diffuser les photos auprès d’un public plus vaste?
Ce n’est pas qu’on a voulu arrêter les événements dans les galeries, mais nous avons préféré multiplier les événements plus interactifs pour donner l’occasion aux gens de prendre plus de photos. On présente encore beaucoup d’artistes: notre dernière expo était consacrée à Rick Rocamora et, avant lui, il y a eu Travis Jensen. On a participé à un concours avec Win Initiative, de New York, et c’est Anton Kawasaki qui en est sorti vainqueur, donc on l’a retenu et on est en train d’imprimer ses photos en format 76x76 cm. Le résultat est absolument superbe. On a utilisé de nouvelles techniques d’impression — des séries sur bois, sur métal ou sur toile — pour une expo avec Lisa Bentinck. Elle a fait toute une série sur l’Éthiopie, dont certaines photos ont été publiées dans le magazine. On les a imprimées sur bois et ça donne quelque chose de vraiment époustouflant! On a fait une expo d’impressions sur métal pour les clichés en noir et blanc de Travis: le noir et blanc rend tellement bien sur métal avec une belle couche de vernis protecteur. C’est tout simplement magnifique.
Dans le cas des galeries, on va organiser des expos avec projecteur pour pouvoir intégrer plus d’images. On a déjà mis en place dans le passé des événements en live, où chacun pouvait contribuer à la galerie depuis n’importe quel coin du monde. Il suffisait d’uploader les images vers l’un des événements pour qu’elles soient diffusées en direct. C’était vraiment chouette à voir.
Quel est ton parcours avant Hipstamatic?
En fait, je suis à moitié licorne! Je rigole. Lucas, Ryan et moi avons fait des études de graphisme dans le Wisconsin. On savait qu’on avait envie de travailler ensemble dans le milieu du design, mais eux deux pensaient rester dans le Midwest alors que, de mon côté, j’avais en tête de m’installer à New York. Alors ils ont lancé leur studio de design, tandis que moi je suis parti pour New York, où je pensais travailler comme serveur ou photographe. On m’a proposé un job de photographe pour MTV, qui devait m’envoyer sur des événements, et le contrat prenait effet trois mois plus tard. À l’époque, je venais de décrocher mon diplôme et je pensais vraiment que la photographie représentait un meilleur choix de carrière pour moi: quand tu es designer graphique, tu restes toute la journée derrière ton ordinateur, alors que moi, j’aime le contact. J’ai fini par accepter l’offre de MTV, qui m’a surtout envoyé prendre des photos d’événements. J’ai détesté. Je veux dire, moi aussi je voulais m’amuser!
Une fois arrivé à New York, j’ai finalement commencé par travailler comme graphiste chez Bloomingdale’s. Je dessinais des sacs de shopping, des cartes pour des cadeaux, tout le packaging de leur marque, des chocolats, vraiment plein d’éléments tous différents et chaque fois intéressants, sur lesquels j’étais ravi de travailler.
Mais la photographie me manquait beaucoup. Je suis donc passé dans l’équipe éditoriale et j’ai participé à la création de gros catalogues avec les photographes, les mannequins et toute l’équipe de casting. C’est redevenu très intéressant, parce que j’adore vraiment la photographie.
Au bout d’un moment, j’ai eu l’impression d’avoir fait le tour, et je suis parti. Lucas l’a su le jour même, et il m’a dit "Hey, je te veux dans mon équipe." Ce à quoi j’ai répondu "Génial!" Trois jours plus tard, je me lançais dans la gestion du marketing social de Hipstamatic.
Comme j’avais des contacts avec des photographes de mode, je leur ai demandé de travailler avec nous sur des looks pour Hipstamatic. Je ne savais pas qu’autant de gens dans l’industrie de la haute technologie, ou même dans la photographie, accordaient tellement d’importance à la photographie de mode, mais aujourd’hui, si vous regardez les publicités iPad par exemple, il y a clairement un parti pris pour la mode. Nous avons été l’une des premières entreprises de haute technologie à utiliser la mode comme un levier de créativité. C’est vrai qu’au début, c’était plus par défaut, en raison de notre parcours. Mais on a vite compris qu’en réalité, il s’agissait d’un secteur vraiment sympa à explorer et à intégrer dans notre projet. On n’en revient pas aujourd’hui de voir combien d’acteurs de l’industrie de la haute technologie s’intéressent à leur tour à la mode. C’est génial!
Combien de lecteurs compte Snap magazine?
Plus de 400.000 par mois. Au départ, c'était un projet secondaire. Nous avons été vraiment ravis de trouver un espace permanent pour diffuser le contenu créé par la communauté. Auparavant, les photos atterrissaient sur Twitter, Facebook ou Tumblr, et l'espérance de vie de ce type de messages était de +/- 24h; nous sommes dit qu’il fallait quelque chose de plus permanent. Lucas a travaillé dans un magazine dans le passé, et j’ai bossé dans le domaine des catalogues. Donc, l'idée de créer un magazine n'était pas complètement folle, nous nous sommes dit: "pourquoi ne pas tout simplement lancer notre propre magazine?" Nous n'avions aucune idée de la façon dont le projet serait reçu par la communauté. Et encore moins du succès obtenu et de son importance aujourd’hui. C'est devenu un projet vraiment cool, mais il continue à mûrir et nous sommes toujours à la recherche de nouveaux moyens pour continuer son développement. C'est un projet assez fun mais qui demande beaucoup de temps. Voilà pourquoi nous organisons moins d’événements aujourd’hui. En comparaison, nous touchions 300 personnes par événement et avec Snap, il y a 400.000 lecteurs par numéro.
Recevez-vous beaucoup de photos à publier chaque mois?
Oui et il n’y a que Molli et moi-même qui bossons sur Snap à temps plein. Nous avons maintenant une personne, Rheanna Martinez, qui nous seconde; elle trie les photos reçues, demande plus de détails ou d’autres photos. Parfois, nous recevons des séries de photos qui racontent des histoires spécifiques; nous avons donc créé une section "Moments Captured". Snap est sans doute le moyen le plus efficace, au niveau des réseaux sociaux, d’impliquer et de montrer les talents qui composent notre communauté. Idéalement, nous aimerions leur donner le statut de célébrité qu'ils méritent pour le travail effectué en publiant soit une image, soit une histoire complète. Voilà ce que nous aimons aussi faire.
C'est un vrai plaisir de publier autant de photos et nous nous posons la question tous les mois de savoir comment faire pour publier le maximum de clichés. Voilà comment le magazine a évolué aujourd'hui.
Hipstamatic et Oggl prennent des photos carrées mais parfois, dans Snap, les photos sont rognées. Pourquoi ne pas les publier dans un format carré?
Il y a plusieurs raisons à cela: d'abord, nous sommes des conteurs d'histoires. Il y a une histoire derrière chaque photo. En les publiant, je deviens le conteur et je les rogne parfois pour modifier la vision, pour créer une alternative que l'artiste n'a peut-être pas remarqué. C'est un autre point de vue mais toujours la même histoire. Recadrer des photos est une habitude puisque j'ai bossé sur des magazines ou des catalogues pendant une longue période. J'aime les limitations qui sont imposées par un format différent, en particulier avec les photos carrées, mais aussi de voir comment la même histoire est racontée dans un autre format. On obtient donc des histoires différentes, surtout quand ces images sont aussi partagées sur les réseaux sociaux. Bref, je n'ai aucun problème à recadrer les clichés.
Est-ce que tu acceptes des photos éditées dans Snap?
C’est très rare que nous acceptions ces images et si cela arrive, ce n'est que dans des circonstances très précises. Je préfère toujours obtenir la photo Hipstamatic originale, si je le peux du moins. En tant qu’artiste moi-même, je veux garder l’intégrité de nos photographes et de la communauté Hipstamatic. Toutefois, si l’histoire a eu besoin de quelque éditions, comme renforcer une ombre ou modifier le focus, même si je n’aime pas le faire, je l'accepte de temps en temps. Mais alors il est difficile de dire aux gens quelle combinaison d’objectif et de film a été utilisée pour créer cette série de photos… Or je veux que les gens soient en mesure de la recréer avec leurs propres images, qu’ils puissent être inspirés par le magazine. Donc, parfois, il faut permettre à une histoire d'exister. En tout cas, je préfère toujours avoir l’image originale.
Je ne publierais jamais une image non-Hipstamatic sur l'un de nos réseaux sociaux. Snap a grandi et est devenu très populaire; c'est un outil d’inspiration pour les photographes. Je veux que les gens soient inspirés. Je veux que la photographie soit plus importante que l’outil utilisé. Evidemment, j’essayerai toujours d'obtenir l'image Hipstamatic, mais pour Snap spécifiquement, je suis probablement un peu plus clément puisque je veux simplement un beau contenu, je veux de belles séries de photos, je veux des personnes qui racontent des histoires avec des images; c’est donc un peu différent.
Est-ce que travailler avec un hardware comme le Lumia a changé la façon dont les films et les objectifs sont conçus?
Initialement, quand nous avons lancé Hipstamatic, la caméra de l’iPhone était vraiment mauvaise et nous nous sommes dit: "Pourquoi ne pas améliorer les images en leur donnant un côté plus analogique?" Le but était de créer des photos au look plus vintage. Comme la caméra s'est améliorée, nous avons changé l'outil pour continuer à obtenir des images altérées mais aussi pour développer de nouvelles choses. Nous avons travaillé avec David Loftus pour créer un objectif "Food" (Nourriture), puis avec Chiun-Kai Shih pour l’objectif Americana ou avec Nic Adler (sur l’objectif Adler) pour comprendre comment prendre de meilleures images à l'intérieur d'un bar par exemple. Même principe avec certains flashes comme le Jolly Rainbo. Nous voulions créer de plus belles images. Nous sommes aussi notre public cible puisque nous sommes des artistes mais également des photographes. Nous voulions tout faire pour améliorer l'outil.
Je dirais que pendant ces deux dernières années, nous avons travaillé essentiellement sur la façon de créer de plus beaux clichés. Le côté vintage ou nostalgique n'est plus une priorité. Je veux dire qu'il y a des objectifs ou des films qui sont destinés à imiter le look des vieilles photos mais nos dernières créations ont un autre but: rendre la photo plus belle. La caméra de 41 megapixel du Lumia signifie simplement que nous avons plus de possibilités pour prendre de belles photos!
Vous n'abandonnez donc pas l’héritage nostalgique d’Hipstamatic?
Nous ne quittons pas l’essence même de ce que nous sommes, mais nous évoluons… Nous avons spécifiquement pris Nokia comme partenaire pour le hardware car nous étions intéressés par une caméra 41 megapixel qui pouvait tenir dans une poche. C’est quelque chose d’inédit. Nous voulions définitivement être au premier plan de ce que cela implique, comme accéder à des paramètres additionnels, avoir des expositions plus longues, ce que nous ne pouvions pas faire dans le passé. Ce qui doit être très clair, c’est que nous sommes des photographes, des designers graphiques et nous adorons ce que nous faisons
Hipstamatic est notre bébé. Aux gens qui ont peur que nous laissions de côté cette application, je dirais: "Mais abandonneriez-vous votre bébé?" Pourquoi le ferait-on? Nous avons été obligé de nous occuper aussi d’autres choses, c’est ce qui arrive lorsque vous avez un deuxième enfant, vous devez vous diviser, vous dédoubler, mais cela ne veut pas dire que vous en laissez un sur le côté...
Nous sommes des enfants de l’art, nous ne savions pas que nous entrions dans un monde technologique lorsque nous avons lancé Hipstamatic, nous l’avons créé avec passion et les gens y ont adhéré. Ensuite, nous avons déménagé à San Francisco et soudain, nous sommes devenus une "tech company", parce que la ville est une plaque tournante de la technologie; c'est en soi génial et cela nous a poussé à aller plus en avant, mais loin de là l’idée d’abandonner un de nos enfants, cela n’arrivera jamais!
Est-ce que Hipstamatic peut être considéré comme une application de choix pour les photographes "professionnels" et les artistes?
Nous avons introduit Hipstamatic muni d’un langage compréhensible pour les photographes: on parle de lentilles et de films. Nous utilisons nous-mêmes un langage simple lors de la description des produits. Tout ce que nous référençons, votre "galerie" de photos, tout est connecté à l’art. Même avec Oggl, vous faites du "curating", c'est-à-dire que vous jouez le rôle de curateur, de maître d'expositions. C’est un langage qui nous est très familier, ainsi que pour les photographes; donc très tôt, le monde de la photo nous a ouvert ses portes.
De cette manière, nous avons clairement eu une relation proche avec les photographes traditionnels, et c’est probablement une des raisons de leur engouement à nous suivre.
Es-tu surpris par la créativité des utilisateurs?
Tous les jours! Un autre point très intéressant, ce sont les autres communautés qui se sont développées comme Hipstamatic New England, Hipstamatic World, les groupes sur Facebook ou maintenant avec Hipstography. Vous arrivez à trouver des clichés ou des artistes que nous n'avions pas repéré; il y a tellement de choses qui se passent, nous passons parfois à côté. C'est excitant de vous voir tous trouver des talents cachés. Oggl a aussi inspiré de nouveaux photographes, par exemple ceux qui font de la macro-photographie. Nous n'avions pas autant de clichés de ce type avant. Vous obtenez ces images sublimes de détails de fleurs ou d'insectes qui m'auraient amené à me dire, avant, "Oh non, pas encore une photo d'une fleur!". Mais les résultats obtenus sont incroyables et je me dis maintenant: "Tiens, pourquoi ne pas publier cette photo de fleur?" Il y a donc de nouvelles perspectives pour des sujets classiques.
Millo Salgado est en train de réaliser une histoire de surf pour nous, pour le prochain numéro de Snap. Lorsque nous avons commencé à publier les "Adventures in Hipstaland", nous avons reçu des photos des quatre coins du monde; nous avons cherché à publier encore plus de beaux clichés. C'est ainsi que suis devenu ami avec Cara Gallardo; elle nous a envoyé une très belle série de photos et a continué à le faire à chaque voyage. Nous lui avons dit: "Waouh, vos photos sont incroyables, trouvons un moyen de les publier".
Quels sont ton objectif, film, flash et combo préféré?
Ma combinaison préférée, en ce moment, est l'objectif G2 avec le film BlacKeys. Mon objectif préféré, non pas que je m'en sers que souvent, est le Tinto. Mon film préféré, c'est DC, j'aime sa bordure noire simple, et le Rainbo Jolly est vraiment le seul flash que j'utilise.
Oggl ou Hipstamatic?
J'utilise plus Oggl actuellement mais c'est sans doute parce que c'est un nouveau jouet… C'est une expérience différente que j'aime vraiment mais j'ai toujours une grande passion pour Hipstamatic aussi.
Photos: Mario Estrada [button color="black" link="http://oggl.me/mario/"]Oggl[/button]
Précédentes rencontres: Lucas Buick - Ryan Dorshorst - Aravind Kaimal
Prochaine rencorntre: Molli Sullivan
© Eric Rozen - Hipstography
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